Honoré Japon est né du lointain et solide désir de Damian Montiel de créer sa propre marque de vêtement, de l’achat d’un hanten, veste traditionnelle utilisée autrefois par les pêcheurs au Japon, dans une petite boutique japonaise de la rue Notre-Dame-de-Nazareth à Paris (Bows and Arrows), et de la découverte fortuite pendant la pandémie du kintsugi, technique japonaise de réparation des céramiques ou porcelaines cassées avec de l’or, laquelle nous a amenés au wabi-sabi, l’art de la perfection imparfaite, puis, de fil en aiguille, c’est le cas de le dire, au boro et au sashiko.
Boro, en japonais, signifie « guenilles ». Le mot désigne une pièce de tissu ou un vêtement raccommodés ou rapiécés. Le boro est un témoin du passé de la société agraire du nord du Japon, où l’hiver était rude et les textiles rares. Il fallait raccommoder les vêtements usés ou les rapiécer avec des morceaux d’autres vêtements, ou linges en coton ou chanvre, tels des pansements sur des blessures. Le chanvre était davantage utilisé, car le coton difficile à cultiver dans ces régions froides, si bien que, comme la soie, il était surtout réservé à la haute société. L’avantage du rapiéçage était que l’accumulation de couches de tissu et les coutures elles-mêmes donnaient au vêtement une épaisseur et une tenue protégeant des intempéries et du froid. Ces tissus étaient teints dans différentes nuances d’indigo, pigment courant et bon marché alors, d’autant plus que l’usage d’autres couleurs dans l’habillement était réservé aux classes sociales plus élevées. L’odeur résiduelle de l’indigo avait en outre la vertu d’éloigner serpents et insectes.
Le sashiko dérive du boro. Il naît d’une volonté d’embellir le vêtement rapiécé, par des motifs inspirés du monde environnant : flocons de neige, rizières, foyer au sol dans les maisons, etc. Les motifs, certains inspirés de motifs bouddhistes, avaient aussi des vertus protectrices : on en brodait certains sur le col et les poignets des vêtements des bébés pour les protéger des mauvais esprits ; pendant la dernière guerre mondiale, les femmes brodaient des ceintures pour les soldats afin de les protéger des balles. Les motifs avaient aussi vocation de porte-bonheur : ceux symbolisant des écailles de poisson servaient à favoriser une bonne pêche.
Les limitations sociales, politiques et environnementales de l’époque ont finalement permis d’éclose toute la beauté du boro et du sashiko : limitées à des motifs qui ne pouvaient être plus grands qu’un grain de riz et des rayures plus larges qu’un brin de paille, les femmes ont laissé libre cours à leur créativité et inventé des motifs d’une grande complexité et d’une merveilleuse délicatesse.
Chaque région du monde a sa tradition textile – tissage, ravaudage, teinture. Chaque créateur a son savoir-faire, son regard et son langage. Chacun d’entre nous a des histoires à partager.
Tailleur de formation, Damian aime beaucoup parler et écouter.
Les pièces uniques d’Honoré Japon sont des livres racontant des histoires d’ailleurs, écrits à plusieurs et jamais terminés. Des formations géologiques où, entre deux couches de sédiments d’un autre âge, se révèlent les traces de l’autre, celui qui précède et qui reste.
La collection de prêt-à-porter HJ s’inspire de l’esthétique japonaise. Elle privilégie la sobriété, les formes amples, les matières naturelles.